Wednesday, December 16, 2015

Ruslan

Aie, aie, aie! Plus que 2 jours, et il y a encore plusieurs personnes dont j'aurais aimé vous parler... on n'aura probablement pas le temps pour tout le monde!
Alors faisons Ruslan aujourd'hui, parce que c'est quelqu'un d'unique. Il y a deux extra-terrestres scientifiques dans le Département: le chef et Ruslan. Dans des styles fort différents.

J'ai piqué son portrait sur internet, car quand j'ai la chance de discuter avec Ruslan, je suis trop impressionné que pour penser à sortir mon appareil photo:

A la fin de sa carrière, quelqu'un devra écrire la biographie de Ruslan. Il est originaire d'Ouzbékistan et a fait une thèse à Moscou. De la biochimie théorique, car en Russie au début des années 90s, on n'avait pas les moyens de faire des manips au labo. Et encore, pour avoir accès à la bibliothèque, il devait draguer les bibliothécaires. Il est arrivé aux USA pour un postdoc dans un endroit aléatoire, d'où il a trouvé son chemin vers Yale grâce à une lettre de recommendation qui disait "recrute-le, c'est un génie". Trois ans plus tard, il publiait un article qui révolutionnait l'Immunologie, le genre de découverte qui vaut un Prix Nobel.

J'ai croisé Ruslan dans le couloir le jour où il n'a pas reçu ce Prix Nobel. J'ai tourné la tête pour ne pas croiser son regard, mais de toute façon il regardait ses pieds. La version politiquement correcte pour expliquer son exclusion du Nobel, c'est que le Prix est remis à maximum 3 personnes et les autres le méritaient tout autant. La réalité, c'est qu'un gars a mené pendant plus d'une décennie une campagne de lobbying pour discréditer la contribution de Ruslan, pourtant publiée un an plus tôt. Les dessous de cette campagne de dénigrement, qui font surface de multiples sources indépendantes, sont fort peu reluisants. Mais parmi la communauté scientifique personne n'est dupe! L'autre restera dans l'histoire comme celui qui a volé le Nobel de Ruslan. Et Ruslan sera celui qui valait plus qu'un Nobel. Car l'année suivante, il a reçu pratiquement tous les Prix scientifiques de la planète, comme si les différents jurys avaient voulu corriger l'injustice commise par le comité Nobel.

Discuter avec Ruslan, c'est quelque chose de vraiment spécial. D'abord, tu lui expliques ton projet. Il t'écoute et tu te demandes s'il est intéressé ou si il pense à autre chose. Ensuite, il commence un monologue et là, t'as intérêt à être attentif, à écouter et enregistrer. Il te synthétise tout ton travail, le met en perspective dans un contexte global et en déduit sa réelle signification. En 5 minutes, il vient de te faire comprendre tout et encore plus sur le projet sur lequel tu travailles depuis des années.

C'est hallucinant, de voir comment fonctionne un tel cerveau! Ca doit être ça, un génie. Pour nous, commun des mortels, on ne peut qu'écouter ce que dit Ruslan, lire et relire ce qu'il écrit, admirer et s'en inspirer.

Je termine en me la pétant un peu. Un jour au RIP ("Research In Progress"), une étudiante présente des résultats fort intrigants. C'était évident, criant, aucun doute pour moi, la solution à son problème se trouve dans mon article publié l'an dernier. Au moment des questions, deux mains se lèvent. Je peux poser ma question en premier: "Les mitochondries sont-elle intactes?". Au tour de Ruslan ensuite: "Non, c'est bon. Je voulais poser la même question qu'Anthony". Je me suis pris un peu le gros cou, ce jour-là!

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