Thursday, December 17, 2015

Les coupables

Voila, on y est. Tout est empaqueté ou presque, c'est ma dernière soirée à NH à bloguer. J'ai été un peu trop élogieux avec tout le monde ces derniers temps. Ca doit être la nostalgie. Modérons quand-même un peu tout ça, voici comme promis le moment de blâmer les gens à cause de qui je vais me retrouver au bout du monde à tenter de comprendre le cancer du sida plutôt que d’être guide nature au Zwin et baguer des goélands tout près de vous.
Parmi ces coupables qui m’ont poussé sur la mauvaise pente, j’en dénombre au moins quatre:

1) Le Philou. Il était notre prof de biologie à l’école. Pendant que les profs de math et de physique se préoccupaient de terminer le programme officiel avant les examens, lui nous expliquait Darwin et nous emmenait sur le terrain pour faire dans transects et des carrés d’échantillonnage.
Un jour en début de rhéto, la prof de math m’a demandé ce que j’allais faire comme études. Normalement, j’aurais dû lui répondre ce qu’elle aurait tant voulu entendre: polytech. Mais j’aimais bien la faire râler, alors je lui ai répondu: “Biologie, Madame!”. Je visualise encore sa tête dépitée! Je ne me souviens plus vraiment pourquoi j’ai dit ça ce jour-là, mais je n’ai plus changé d’avis. C’est ainsi que je suis devenu biologiste.

2) Oberdan. Deux ans plus tard, lundi à 14h, bâtiment U au Solbosch, cours de physiologie cellulaire. Le prof entame son premier cours en recommandant 2 textbooks, et il nous dit que ces livres sont tellement bien faits qu’il se demande à quoi sert un cours avec lui. Là, je savais immédiatement qu’avec Oba, on avait à faire à quelqu’un hors du commun!
Son auditoire était toujours densément peuplé et il semblait somnolant lors de mon examen oral. Je pensais donc être passé inaperçu à son cours. Alors j’ai été vraiment surpris quelques mois plus tard quand il m’a approché dans un couloir par un fort enthousiaste “Salut Anthony!”, assez inhabituel de la part d’un prof d’unif en candi. Il voulait me dire que si j’étais intéressé par l’Immunologie, j’étais le bienvenu dans son labo pour un mémoire et pour une thèse. Au labo d’Oba, il y avait aussi l’honneur et le privilège de travailler avec Fabienne, alors je n’ai pas hésité!
Quelques années plus tard, c’est encore Oba qui m’a poussé à aller tenter ma chance à Yale chez le grand Richard F. Et dans son speech le jour de ma thèse, il a glissé quelques petits “conseils” qui me sont encore fort utiles chaque jour.

3) Yasmina. Dans un labo, le voisin de paillasse est une personne importante. C’est un peu comme le co-locataire avec qui il faut partager la cuisine. Parfois (rarement!), on a la chance d’avoir une personne extraordinaire comme voisin de paillasse. A l’ULB, il y avait eu Pascal avec qui ont a vraiment beaucoup rigolé. A Yale, il y a eu Yasmina.
Très vite à mon arrivée, Yasmina m’a dit que je devais faire aussi bien qu’elle à Yale, voire mieux. Moi, j’étais juste impressionné et admiratif de son CV à rallonge. J’avais lu tous les articles publiés par le labo de Richard depuis 5 ans, ceux de Yasmina étaient les plus intéressants, et maintenant elle était ma voisine et j’étais censé faire mieux! J’ai senti la pression…
“Malheureusement”, après quelques mois, Yasmina est partie pour devenir Professeur à University of Michigan. L’été suivant, je suis allé lui rendre visite dans son beau labo tout neuf à Ann Arbor. C’est là que j’ai vraiment compris pourquoi on était à Yale et ce qu’on y attendait de nous: devenir les stars de la recherche mondiale.
Quelques années plus tard, il reste à savoir si j’ai ou non fait aussi bien que Yasmina. Comparaison difficile, car Yasmina est une vraie immunologiste alors que je ne suis qu’un biologiste moléculaire qui fait de l’immunologie. Mais ce qui est certain, c’est que la souris Mistigri va permettre à Yasmina d'élucider des questions fondamentales auxquelles il lui était jusqu’à présent impossible de répondre. C’est pour ça qu’on a patiemment construit cette souris, et je suis fort content que Yasmina soit une des premières à en bénéficier!

4) Shomi, c’est le prototype de la fille chiante. Californienne en plus, pour ne rien arranger.
Très vite donc, il était clair que l’objectif après Yale, ce serait soit le top mondial comme Yasmina et d’autres, soit renter à la maison. Il y a 2 ans, le top n’était pas accessible. Scientifiquement, c’était quand-même un petit échec. Mais rentrer près de vous, c’était fort bien aussi!
Sauf que j’ai alors commencé à déconner en publiant ces articles dans ces foutues gazettes prestigieuses. J’en ai d’abord nié les conséquences. Mais c’est à ce moment-là que Shomi est venue se mêler de ce qui ne la regardait pas. Elle m’a rappelé avec beaucoup d’insistance que ces publications rendaient maintenant le top accessible et même quasi certain, et que je ne pouvais pas gaspiller une telle opportunité. Pendant un temps, j’ai ignoré ce que me disait Shomi, au point d’en être désagréable. Mais si elle est un peu chiante, elle est loin d’être idiote. Une autre manière de poser l’équation est la suivante: un footballeur va-t-il à Anderlecht si il a la possibilité de jouer à Manchester United? En sachant que si il fait banquette à Man U., il trouvera toujours bien un moyen de se recaser au Standard.
Je ne sais pas ce qui est le plus énervant avec Shomi: quand elle veut absolument avoir raison, ou quand je suis obligé d’admettre qu’elle n’a peut-être pas entièrement tort?

Y’a plus qu’à espérer que ça se passera bien à Man U…

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