Saturday, December 05, 2009

Million Dollar Murray

L'hiver fait sa première offensive à NH. Quand je suis parti pour le labo, ce samedi en fin d'après-midi, il faisait déjà complétement noir. Il tombait un mélange froid de pluie et de neige fondant, le tout avec un bon vent qui glace. Un temps à ne pas mettre le nez dehors. Pourtant, quand je suis arrivé devant le Starbucks (un détour de plus en plus fréquent le WE, histoire de mettre le plus de temps possible pour arriver au labo), mon pote était posté là sous la pluie, à tenter d'obtenir quelques dollars pour survivre. Je lui ai donné 25 petits cents... et il m'a reconnu. Alors il m'a demandé une faveur, 3 dollars, comme la dernière fois. Je savais que je n'avais qu'un billet de 5 en poche, et cette fois je ne voulais pas lui donner le billet entier. Alors je lui ai rappelé que la dernière fois je lui avais donnée 5 dollars. 'Je sais, c'est pour ça que je te demande, il fait froid aujourd'hui'. Je lui ai donné toute ma monnaie en ressortant du Starbucks, à peine un dollars. Il avait l'air déçu...
Quelques centaines de mètres plus loin, un gars tout aussi trempé et frigorifié me demande de la monnaie. Je n'ai pas le temps de lui dire 'I am sorry' qu'il poursuit son chemin en me niant complétement. Fâché, je lui tape sur l'épaule : 'Listen to me!' Et je lui explique que je viens de donner toute ma monnaie à un de ses collègues, mais que la prochaine fois ce sera pour lui. 'God bless you! God bless you!', me répond-il. Pas de commentaire sur la bienveillance de son dieu dans cette histoire...
Je poursuis mon chemin, les pieds maintenant trempés, frustré et pensif. Tu voudrais être sympa et à la fin c'est toi qui culpabilise... Les USA sont la première puissance économique mondiale. Le Connecticut est un des états les plus riches du pays. New Haven abrite une des universités les plus riches du monde. Et je devrais financer tous les sans-abris de la ville?
C'est alors que je me rappelle d'un article de Malcolm Gladwell intitulé Million-dollar Murray, qu'on pourrait traduire par 'Murray, l'homme qui valait un million'. Murray était un sans-abris dans la ville de Reno, Nevada. Il était bien connu des services de police, d'ambulance et d'urgences, qui avaient l'habitude de le ramasser dans la rue, ivre ou malade, de le remettre sur pied puis de le laisser retourner vivre en rue. Murray est mort en laissant des factures d'hôpital (toutes impayées bien sûr) dont le montant total dépassait un million de dollars. Soit bien plus que le montant qu'il aurait fallu pour lui donner un logement et payer quelqu'un pour s'assurer qu'il restait sobre et en bonne santé. Conclusion de l'article : ça coûterait moins cher de solutionner le problème des sans-abris, plutôt que de devoir le gérer.
En arrivant au labo, j'avais pris une décision. Dorénavant, chaque fois que je donnerai un dollar à quelqu'un pour l'aider à survivre dans la rue, je mettrai un dollar dans une tirelire. Et quand elle sera pleine, je l'enverrai à une bonne oeuvre qui tente de résoudre le problème.

1 comment:

Elodie said...

merci de nous faire réflechir à cette problématique...perso, j'avoue que ça ne m'est encore jamais venu à l'idée de parler avec un sans-abri... ma politique c'est de donner à ceux qui jouent d'un instrument que j'aime bien : flute, saxo, accordeon (j'aime aussi la harpe mais j'en ai jamais vu!!!)