Wednesday, October 16, 2013

Communication des sciences

Je suis fâché, vraiment énervé, par la manière dont les climatologues communiquent dans les médias.

Il y a quelques semaines, le Vice-Président du GIEC s'exprimait seul avant l'émission Mise au Point de la RTBF et refusait de participer au débat car un des invités était un "climato-sceptique". Ce "climato-sceptique" était aussi un de ses collègues, Professeur à l'Université Catholique de Louvain.

Justification sur Twitter (premier tweet, deuxième tweet): "le travail du GIEC ne peut être mis au même niveau que les déclarations non-crédibles et non fondées d'un climato-ignorant". (y'a de l'ambiance, entre les collègues...)
Argument d'autorité et argument ad hominem... deux tweets, deux sophismes... pas mal comme argumentation scientifique!

Ce mercredi dans Le Soir, deux Professeur dont un de la même Université signent une Carte Blanche:
Extraits:
- "On peut donc comprendre que certains scientifiques pleinement investis dans leurs recherches n'aient pas accepté que certains médias mettent sur le même pied le travail rigoureux du Giec et celui de personnalités n'ayant aucune publication digne de ce nom sur le climat"(NDLR: allusion à peine cachée à l'épisode de Mise au Point)
- "Quant au public, il n'est pas en mesure de discriminer le vraisemblable du faux" (NDLR: quelle condescendance envers le public...)
- "La démocratie, c'est aussi la capacité que nous devons avoir, chacun d'entre nous, de pouvoir refuser un débat quand il est faussé" (NDLR: et quel est donc l'utilité de la science, si ce n'est d'apporter une argumentation rationnelle dans un débat démocratique, et le corriger quant il est faussé? La science a-t-elle si peu confiance en ses méthodes?)

Imaginons un cas similaire dans une autre discipline. Au hasard: l'immunologie.
Des parents se demandent si ils vont vacciner leur enfant. Un médecin aurait-il une chance de les convaincre en leur disant : "Je suis médecin, je sais de quoi je parle, vaccinez parce que je vous dis de vacciner (argument d'autorité), les homéopathes sont des charlatants (c'est vrai, mais ça reste un argument ad hominem) et de toute façon vous ne pouvez pas comprendre la science (condescendance)".

6 comments:

Adrien said...

Personnellement je refuserais de participer à un débat télévisé portant sur (au hasard) l'homéopathie ou la radiesthésie où interviennent également des adeptes de ces pratiques. Pas par peur du débat ni par condescendance, mais parce que le discours magique, non-rigoureux et basé sur des expériences qui parlent aux gens (mon fils avait un rhume, il a prix du mucococcinum et il a guéri) passe beaucoup mieux auprès du public qu'un argumentation scientifique basée sur des statistiques et des protocoles rigoureux. La science sort toujours perdante de ce genre de débat où les journalistes accordent d'office plus de temps de parole au discours surnaturel donc plus vendeur.

Adrien said...

Je ne sais pas comment on fait pour répondre à un Tweet, je ne sais même pas si c'est possible et je n'ai pas envie de chercher sur Google... Donc je réponds ici ! Yale 2 ULB 1, pas d'accord : un Nobel de physique (la reine de sciences comme j'ai pu le lire ces jours-ci) ça vaut bien deux autres Nobel ;-)

Et vive le corporatisme !

Anthony said...

Oui mais il reste 2 problèmes:

- L'intégrité scientifique: une argumentation ad hominem ou un argument d'autorité ne sont JAMAIS acceptables de la part de scientifiques, quel que soit le contexte.

- Si le fils du Ministre est guéri par du mucococcinum, le Ministre pourrait croire en toute bonne foi que l'homéophatie est une bonne chose et en autoriser le remboursement. L'homéopathie ainsi légitimisée, des gens de bonne foi se tourneront vers un homépathe plutôt que vers un oncologue pour soigner une tumeur métastatique et ils en mourront. Qui devra culpabiliser, le patient, l'homéopathe, le ministre ou le scientifique? Les scientifiques ont le DEVOIR d'apporter un éclairage objectif et rationnel dans les débats démocratiques. (ce qui ne veut pas dire qu'ils peuvent imposer leurs opinions).

Je me souviens d'un reportage de Dawkins dans lequel il ridiculisait des sourciers, eux-même dépités par leurs piètres performance à un test de détection d'eau... Une expérience scientifique en direct, au résultat très parlant...

Anthony said...

D'ailleurs à propos de Dawkins, YouTube est rempli de vidéo dans lesquelles il débat avec des créationnistes anti-évolutionnistes.

Inlassablement, il explique les arguments scientifiques à la base de la théorie de l'évolution. Inlassablement, il démonte les arguments non fondés scientifiquement de ses opposants, au point de parfois les ridiculiser.

Il est peu probable qu'il fasse changer d'avis ses opposants. Mais dans le public, il y a probablement l'une ou l'autre personne qui se dit que l'évolution, ce n'est pas si mal que ça par rapport au créationnisme...

Anthony said...

Et puis moi j'aimerais bien assister à un débat où on discute vraiment scientifiquement les arguments des climatologues et contre-arguments qui leurs sont opposés.

Je suis un climato-ignorant (normal, ce n'est pas mon métier), je suis de nature sceptique (normal, c'est mon métier) et curieuse (aussi mon métier) mais je n'accepterai pas un argument d'autorité (ça, c'est la faute à l'ULB... ou plutôt c'est la méthode scientifique).

Si il y a de bons arguments et de mauvais contre-arguments, je devrais être capable de faire la part des choses, non? Et si je ne comprends pas tout, je demandrai à un physicien de m'expliquer...

Adrien said...

J'ai vu ces vidéos avec Dawkins et effectivement on le laisse parler et argumenter. De mon côté j'ai vu pas mal d'émissions sur la RTBF où le débat était complètement biaisé par le journaliste dans une optique claire de sensationnalisme dicté par l'audimat. Le pauvre scientifique de service est passé pour un obtus scientiste et la science a perdu des points vis-à-vis du grand public. Je me répète mais c'est très difficile d'éviter ce genre de déviance dans un débat télévisé, donc je maintiens que je comprends (sans le cautionner) les craintes des spécialistes du climat appelé à débattre face à des arguments pas toujours honnêtes mais qui parlent au public en faisant appel au sacro saint bon sens ("l'hiver dernier a été très froid et vous nous parlez de réchauffement ?!"). Il n'est nullement ici question d'un argument d'autorité, mais d'un débat qui ne peut avoir lieu que s'il n'est pas biaisé dès le départ et je ne suis pas sûr que la télévision soit le lieu idéal pour un dialogue serein et rigoureusement argumenté.